8 mars : Journée des droits des femmes

A l’occasion du 8 mars, la FNACAV a rédigé un article que vous pouvez consulter ci-dessous.


« Violences conjugales… et les auteur-e-s ? »


Argumentaire pour une fédération

Les violences conjugales et familiales, identifiées depuis plusieurs dizaines d’années par les associations qui accueillent et soutiennent les femmes violentées, sont un phénomène grave sur lequel nos sociétés ont aujourd’hui les moyens d’intervenir de manière préventive en s’adressant aussi aux auteur-e-s de violences.

Les violences domestiques contre les femmes, les enfants, ne sont ni naturelles, ni acceptables[1]. Ces violences familiales, comprenant notamment les violences conjugales contre les femmes[2], les maltraitances et les abus sexuels envers les enfants, constitue la source de nombreux troubles, tant au niveau individuel que social. Or, si en ce domaine les actions d’aide et de protection des victimes, nécessaires et prioritaires, sont déjà en place et demandent encore un soutien important, il en va tout autrement en ce qui concerne la prise en charge des auteur-e-s de violences, qui représente l’autre versant de ces problématiques.

La FNACAV[3] reconnaît que le rapport à la loi est fondateur de l’intervention sociale auprès des auteur-e-s de violences, et estime que celui-ci peut utilement être complété par d’autres formes d’actions dans le cadre d’une prise en charge des auteur-e-s. En effet, si l’auteur-e est responsable de ses actes aux yeux de la loi, il-elle ne peut pour autant se réduire à ses actes. Il-elle a droit à l’écoute, au respect, à la confiance en ses propres capacités de compréhension et de changement ainsi qu’à un accompagnement spécifique pour prévenir la récidive.

Des associations et structures d’aide pour auteur-e-s de violences se créent avec l’idée que des actions complémentaires sont nécessaires pour faire face aux violences familiales, et notamment, la prise en charge psychothérapeutique, psychologique ou psychosociale de ces auteur-e-s de violences. En effet, la nécessaire judiciarisation de ces comportements n’évite guère la récidive – sous une forme ou une autre. La mise en place de suivis reste précaire, faute de structures spécialisées et adaptées. La France, contrairement à d’autres pays, présente en ce domaine un retard important, et les quelques structures existantes ont une activité limitée en raison des très faibles moyens dont elles disposent. Aujourd’hui, les financements publics pour les victimes, comme pour les auteur-e-s ne sont pas à la hauteur des coûts engendrés par les violences intra-familiales.

La lutte contre ces phénomènes de violences doit être élaborée sur le long terme. Notre expérience montre que la contrainte sociale (justice) ou familiale (départ ou menace de départ des victimes du foyer familial) incite fortement ces personnes à demander de l’aide. Et c’est justement grâce à un accompagnement sur le long terme que l’auteur-e-s ne verra plus la demande d’aide comme une obligation imposée par le monde extérieur, mais comme une démarche nécessaire.

Dans une perspective de prévention, une des idées fortes est que, au-delà de l’arrêt des violences de la part des auteur-e-s, leurs propres enfants profitent également (et indirectement) de cet accompagnement. En effet, il permet de limiter les troubles psychologiques et les désordres sociaux associés que ces enfants peuvent présenter face à ces violences (troubles de la personnalité, dépressions, tentatives de suicide, conduites addictives, délinquance…). Plus encore, ces actions permettent de rompre la chaîne des phénomènes de répétitions de générations en générations, réalisant de cette manière un véritable programme de prévention à long terme.

Bien entendu, une telle démarche n’a de sens que si elle est généralisée par la création d’autres structures, la formation de praticien-ne-s[4], la constitution de savoirs transmissibles, et par l’information et la sensibilisation des populations concernées.

Nous comprenons que, d’une certaine façon, la prise en charge des auteur-e-s de violences puisse heurter encore certaines sensibilités et freiner le développement de ce type d’activités. Pourtant, nous avons l’intime conviction qu’une approche réaliste de la prévention ne saurait faire l’impasse sur ce point. Comment nos démocraties modernes peuvent-elles défendre des valeurs telles que l’autonomie et la responsabilité si les questions de la violence et de la souffrance ne trouvent pas de réponses ?


La FNACAV : Fédération Nationale des Associations et des Centres de prise en charge des Auteur-e-s de Violences conjugales et familiales

 1° : La situation actuelle :

La FNACAV regroupe aujourd’hui, une trentaine de structures qui interviennent, auprès des auteur-e-s de violences conjugales et familiales.

2° : L’intérêt d’une fédération :

– Permettre la concertation et l’échange entre les structures existantes et à venir, afin d’améliorer l’efficacité de chacun en profitant de l’expérience des autres.

– Engager des actions communes, à l’échelon national par exemple, en direction des auteur-e-s de violences.

– Réaliser un corpus de savoirs transmissibles.

– Aider et initier tout projet d’action, s’inscrivant dans la charte de la fédération, qui serait mis en œuvre en direction des auteur-e-s de violences conjugales et familiales.

– Développer des outils d’évaluation des pratiques.

– Réaliser un guide des « bonnes pratiques » basé sur l’établissement d’une charte commune.

– Créer un comité scientifique sur la question des auteur-e-s de violences.

– Aider au développement du partenariat avec les autres acteurs et actrices de terrain, notamment les structures pionnières de la Fédération Solidarité Femmes et les services de justice et de police.

– Soutenir des actions à visées éducatives à destination des enfants et des adolescents.

– Promouvoir au niveau européen l’échange et la concertation.

 

 Les auteur-e-s et leurs proches…

Le droit romain donnait au Pater Familias le droit de vie et de mort sur femme et enfants. En 1802, le Code Napoléon désigne le mari Chef de famille et lui donne le droit de correction sur eux. En 1994 : les violences conjugales deviennent enfin un délit (punissable de 3 ans) et un crime quand il y a décès de la victime ou séquelles durables. L’interdit des violences sur sa ou son partenaire n’a donc que 20 ans !

S’il a fallu du temps pour que la société mettent pleinement en application cette partie du code pénal, il devient plus courant aujourd’hui que l’auteur-e soit sanctionné-e et éloigné-e du domicile conjugal alors qu’auparavant, c’était à la victime de s’enfuir. Placé-e en garde-à-vue et éventuellement présenté-e devant le Tribunal, il lui sera souvent prononcé l’interdiction de retourner au domicile et d’entrer en contact avec la victime jusqu’à la date du jugement définitif. De plus en plus souvent, la peine se verra assortie d’une “obligation de soins”.

La dénonciation des violences et la sensibilisation à ces problématiques conduisent de plus en plus de personnes à demander de l’aide, ne serait-ce que pour ne pas perdre leur conjoint-e ou espérer la-le retrouver. Ces « volontaires » ont bien souvent consulté auparavant sans trouver de réponses adaptées.

C’est là que nos institutions trouvent leur place, notamment de par leur nécessaire spécialisation et les réponses qu’elles offrent.

 Il est fondamental que la société affirme fortement l’interdit des violences conjugales, et il est essentiel que l’auteur-e de violences comprenne que son acte n’est pas adapté à la situation qu’il-elle vit et qu’il-elle est aujourd’hui passible de poursuites judiciaires. La loi s’applique en tout lieu, y compris dans cette sphère privée qu’est la famille. Mais il importe surtout que cette personne soit accompagnée pour travailler sur le sens des poursuites engagées et la sanction qu’elle subit. C’est-à-dire reconnaître ses actes, le bien-fondé de l’interdit et de la sanction. Ensuite, il importe qu’il-elle soit accompagné-e pour travailler sur ses “difficultés personnelles” pour éviter que cela ne se reproduise avec la même personne ou avec une autre.

En effet, sans cet accompagnement, l’auteur-e peut se vivre comme “persécuté-e” :

            – par sa-son partenaire qui reçoit aide et assistance ;

            – par la société, qui se mêle de ce qui ne la regarde pas.

L’auteur-e risque alors de nourrir rancœur, haine, rage et bien sûr, d’en faire payer le prix à sa-son partenaire. C’est donc une des mesures de protection de la victime que de prendre en charge la problématique de l’auteur-e.

D’autre part, ce couple est souvent une famille. Une famille qui explose à cette occasion. Les rôles de la “mère” et du “père” ont été malmenés. Or, dans plus de 50% des cas, cette famille se reconstitue après les faits. Et même s’il y a séparation, dans de nombreux cas le “couple parental” subsiste. En effet, le code civil et la pratique des Juges des Affaires Familiales maintiennent l’auteur-e des violences conjugales dans son droit parental : droit de garde et de visite. Il est donc indispensable que ces rôles conjugaux et parentaux soit retravaillés pour que les enfants ne restent pas étouffés au cœur des violences de l’un-e et des peurs l’autre.

Malgré les violences, parfois graves ou même très graves et malgré les séparations et les aides proposées, nombres de victimes retournent vers leur partenaire, par amour, peur, emprise, répétitions traumatiques…etc.  Dans ces processus, l’auteur-e des violences en proie à des angoisses d’abandon et de séparations fortes, est “fusionnellement dépendant”, et peut utiliser différentes « stratégies » pour que l’autre revienne : supplier, harceler, menacer … C’est lors de ces phases délicates ou la dangerosité s’accroit qu’un accompagnement peut s’avérer d’autant plus judicieux.

La prise en charge de l’auteur-e est donc une mesure de sécurisation pour tous : la victime, les enfants, l’auteur-e et la société.


Il est aujourd’hui quasi unanimement reconnu, dans les secteurs sociaux, sanitaires et judiciaires, que la prévention des violences conjugales et familiales passe par la prise en charge des auteur-e-s des violences. Celle-ci limite la récidive et améliore l’efficacité des actions actuellement menées autour de la parentalité. Précisons que l’efficacité des prises en charge dépend des profils des auteur-e-s, de leur parcours de vie, du type de violences commises. Beaucoup d’associations ont publié à ce sujet. En 2015, la FNACAV a initié une première évaluation nationale remise aux Ministères concernés.

 

 

[1] Nous savons tous que le plus haut risque de violences, y compris sexuelles, pour les femmes et pour les enfants, est dans la famille. Dans des millions de familles, les violences sont subies, apprises et transmises.

[2] Le cas des hommes violentés par les femmes existe, et doit aussi être pris en compte. Il est toutefois largement minoritaire au regard du nombre de femmes violentées.

[3] « Fédération Nationale des Associations et des Centres de prise en charge des Auteur-e-s de Violences conjugales et familiales ».

[4] Il est essentiel que les thérapeutes soient spécialisé-e-s au risque, par exemple, de voir se renverser les problématiques. La victime devenant responsable de la violence, présentée comme tyrannique, irresponsable ou folle…