8 mars 2023 – Journée internationale des droits des femmes

En cette journée internationale des droits des femmes, il nous importait de rappeler combien l’accompagnement des auteurs de violences conjugales constitue à nos yeux un rouage essentiel de la prévention des violences entre partenaires intimes, et, par là, de l’égalité entre les femmes-hommes.

Le couple, quand il n’est pas ce lieu privilégié de décuplement et de ressourcement du pouvoir d’agir, peut être une prison où ont cours les violences les plus incapacitantes qui soient, parce qu’elle minent, par le biais de l’amour dont elles se colorent, la confiance en soi dans ses fondements (affectifs) mêmes. Tout effort pour recourir à ses droits, accéder à une activité sociale ou une autonomie matérielle en devient alors surhumain, rendant purement formelle l’égalité des droits.

Parce qu’il a été et reste encore trop souvent cet espace privé où s’exerce une violence pernicieuse et muette, le foyer perpétue les inégalités entre hommes et femmes. Quand les premiers extorquent le travail invisible et dénigré des secondes – travail de soin et d’attention, dit de care ou reproductif – au bénéfice de leur intégrité psychique et de leur productivité sociale, les secondes, elles, souffrent d’une position subalterne qui rend difficile toute participation à la vie citoyenne, sociale ou économique. Soutenir moralement les victimes et condamner pénalement les auteurs sont et seront donc toujours deux dimensions primordiales de la lutte contre les violences domestiques. 

A quoi peut donc servir l’accompagnement paradoxal des « dominants » dans ce combat pour l’égalité réelle ? A mieux protéger, à mieux sanctionner. On ne sent pas protégé lorsque, par peur des répercussions pour son partenaire ou par souhait de le voir changer ( « Aidez-le s’il-vous-plaît »), on se prive de porter plainte ; on l’est encore moins lorsque, fin de peine oblige, le partenaire recouvrant la liberté, il est, théoriquement seulement, sorti purgé de sa violence grâce au travail civilisationnel de la justice. On ne sent pas coupable lorsque, condamné par une société pour des faits dont on ignore les ressorts, dont on minimise la gravité ou dont on se défend, on est sommé d’expier une faute, sans que cet aveu s’adosse en parallèle au travail nécessaire de changement ; un sujet qui ne sait pourquoi il a agi ainsi ni comment il aurait pu agir autrement, qui nie la souffrance qu’il inflige et son rôle dans l’affaire, c’est un coupable qui n’éprouve pas de la culpabilité, mais de la colère ou tout au plus de la honte. Aucune d’entre elles n’engendre  compréhension, compassion ou responsabilisation. 

A ceux et celles qui soupçonneraient de complaisance ou de laxisme la mission de prise en charge, qui attendent de la justice qu’elle se contente de surveiller et punir, et qui, traçant un fossé ontologique commode entre Eux (les Autres, violents) et Nous, se détournent de l’examen de leur entourage et de leur conscience, au lieu d’exiger de la société qu’elle accepte de collectivement délester les femmes d’un fardeau qu’elle ont trop longtemps endossé – celui de comprendre et d’aider – nous tenions à rappeler cette phrase d’Audre Lorde, prononcée lors d’une conférence sur Le Deuxième Sexe à New-York en 1979 :

« Les outils du maître ne détruiront jamais la maison du maître »

Mateusz EVESQUE, Délégué général – FNACAV

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *