Violences conjugales : le gouvernement annonce une hausse de 28% du budget pour le suivi des auteurs

Par Hugues Maillot et AFP agence Publié le 04/02/2022 – In Lefigaro.fr

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“Six millions supplémentaires seront ainsi alloués aux centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales. Mais le rôle et le fonctionnement de ces structures interrogent.

La ministre déléguée chargée de l’Égalité femmes-hommes, Élisabeth Moreno, a annoncé ce vendredi 4 février une hausse de 28% du budget alloué aux centres de prise en charge des auteurs de violences conjugales (CPCA), qui visent à «prévenir le passage à l’acte» et «lutter contre la récidive». Issu du «Grenelle» contre les violences conjugales fin 2019, ce «dispositif novateur, qui a d’ores et déjà fait ses preuves», verra son budget porté à 6,16 millions d’euros en 2022, a souligné la ministre dans un communiqué.

Il existe actuellement trente CPCA sur le territoire français, dont cinq dans les outre-mer, chaque région en disposant de deux ou trois. Leur rôle est de coordonner l’action des différents acteurs sur un territoire en matière de lutte contre la récidive. Ils créent pour les auteurs de violences conjugales des parcours individuels sur plusieurs mois, incluant des stages de responsabilisation, un suivi médical (psychologique, lutte contre les addictions…) et un suivi socio-professionnel. Mais leur rôle et leur fonctionnement posent question.

Un dispositif «bisounours» ?

La présidente de la Fondation des femmes, Anne-Cécile Mailfert, s’étonne ainsi auprès du Figaro de l’augmentation du budget d’un dispositif dont «on ne sait pas s’il fonctionne réellement». «On n’a pas vraiment de recul, puisque c’est un dispositif récent en France», abonde Maître Anouchka Assouline, avocate spécialiste des violences conjugales, qui reconnaît néanmoins «une bonne avancée». De fait, ces centres ont été lancés seulement en 2020. Pour l’heure, 6000 personnes y ont été accueillies, a indiqué Elisabeth Moreno à France Bleu. Mais la ministre s’est félicité que le taux de récidive «a considérablement baissé» depuis. Plus précisément, une enquête menée au CPCA de Tours «démontre une réduction de la récidive des auteurs de 80 à 30%», indique l’entourage d’Elisabeth Moreno au Figaro.

Maître Assouline regrette pourtant le caractère «bisounours» de ce dispositif. «On leur finance un peu tout ça», déplore l’avocate. «Beaucoup de médecins vous diront que le fait de payer sa consultation fait partie du processus de guérison. Or, là c’est quasiment offert par l’État et les auteurs ne se rendent pas forcément compte». De fait, une large partie du processus que suivent les auteurs de violences conjugales par le biais des CPCA est financée par le contribuable. Toutefois, «selon leur situation individuelle, ils ont une part à leurs frais», indique-t-on dans l’entourage de la ministre : «C’est souvent adapté à leur situation : à peu près 150 euros, par exemple, pour les plus modestes».

Pas assez de moyens pour les femmes ?

Plus globalement, c’est l’importance donnée aux auteurs dans le budget gouvernemental qui dérange Anne-Cécile Mailfert. La présidente de la Fondation des femmes s’inquiète ainsi que le ministère de l’égalité femmes-hommes n’utilise pas plutôt «ces millions pour venir en aide aux femmes victimes». «Aujourd’hui, il y a des besoins énormes pour les femmes et les moyens ne sont pas suffisants. Quelle va être la prochaine étape ? On va se mettre à payer les places de prison des hommes violents ?», s’insurge-t-elle, avant d’ajouter : «La facilité avec laquelle on aligne les millions pour les hommes alors qu’on peine à financer des lieux pour les femmes me déconcerte». Pour elle, l’argent alloué aux CPCA devrait d’ailleurs faire partie du budget du ministère de la Justice, qui y envoie les auteurs, plutôt que de celui de l’Égalité femmes-hommes.

Pour Elisabeth Moreno, ce budget supplémentaire sera utile non pas pour construire de nouveaux centres, mais pour «mieux mailler le territoire» et «faire en sorte que dans toute la France, ces centres de prise en charge existent». Il permettra notamment «d’ouvrir des permanences associatives dans les départements» qui ne possèdent pas de CPCA, précise son entourage au Figaro. Le cabinet de la ministre rappelle au passage que le budget du ministère de l’Égalité femmes-hommes est passé de «27 millions d’euros en 2017 à 50,6 millions aujourd’hui». Mais pour Maître Anouchka Assouline, cet argent n’est pas placé au bon endroit. «On devrait plutôt mettre l’accent sur les moyens d’éviter le passage à l’acte, avec notamment l’éducation de la jeune génération», reproche l’avocate.

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